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Les Chroniques du Mérovingien
10 juillet 2005

PETER PAN

peterpan00Il est intéressant de constater à quel point Peter Pan a connu de nombreuses adaptations cinématographiques. Il est surtout nécessaire de constater que les 2 films les plus connus sont signé par deux des plus grands artisans du rêves : Walt Disney et Steven Spielberg. D’un côté, une référence, de l’autre, un carnage. Si la version dessin animé remporte sans conteste la Palme de la meilleure version, c’est parce que le propos sur la perte de l’enfance est infiniment plus subtil et que le design visuel est extraordinairement plus féerique.

C’est en 1913 que Walt Disney découvre pour la première fois la pièce de James Matthew Barrie -datant de 1904- dans un petit théâtre. Il ne fait aucun doute que cette œuvre a éveillé le conteur d’histoire qui sommeillait en lui. D’ailleurs, Peter Pan est un des projets qui lui tient le plus à cœur et qui connaît une gestation très longue. En effet, les premières esquisses sont réalisées peu après la sortie de Blanche-Neige, les droits d’adaptation sont acquis en 1939 et la structure narrative est bien définie. Seulement voilà, quand la production s’apprête à être mise sur rails, les Etats-Unis entre en Guerre. Nous sommes en 1941 et le studio ne prend pas le risque de lancer un nouveau film et préfère s’atteler à la post-production de Dumbo et Bambi. 

Ce n’est qu’avec le grand retour de l’exploitation de longs-métrages d’animation (Cendrillon en 1946) que le projet Peter Pan reprend. Les premières recherches visuelles concernant le look du film sont fortement modifiées. On passe de couleurs très sombres à un monde plus coloré et enchanteur. Pourtant, la production connaît un nouveau coup de frein. La raison ? Alice aux Pays des Merveilles. Ce dessin animé, sorti juste avant Peter Pan, est considéré comme une grande répétition générale car on retrouve quasiment la même équipe, que ce soit le chef décorateur, les responsable du personnage de Wendy (réalisateur et actrice sont les même que pour le personnage d’Alice) ou encore les dessinateurs des seconds rôles comiques. Pas de chance, Alice aux Pays des Merveilles conn u un échec brutal au box-office. Le projet fut donc réorienté légèrement, afin de conférer davantage de vie et d’âme aux héros.

peterpan02

Une aussi longue gestation aurait pu handicaper le studio. Sauf qu’à sa sortie en 1953, le film fut un succès, public et critique. Le Peter Pan de Disney est sans aucun doute parvenu à tirer des leçons de l’échec d’Alice, en parvenant à mélanger l’esprit du livre original avec celui studio. Ainsi, le film n’hésite pas à rendre clairement explicite la magie et les rêves qui n’étaient que suggéré dans la pièce. L’univers visuel opère donc un savant mélange de réalité et de féerie et ceux dès les premiers plans (magnifiques) de Londres où les lumières aux fenêtres sont autant de lucioles prêtent à s’envoler, jusqu’à l’envol des enfants au-dessus de la ville. La fée Clochette, qui n’était qu’une boule de lumière dans la pièce devient également un être à part entière. Le message original est donc habilement traité du début à la fin : face à a dureté du monde réel, il est nécessaire de ne pas perdre son âme d’enfant. Il est nécessaire de grandir mais cela ne doit pas nécessairement être un renoncement à l’innocence et aux rêves. Cela est particulièrement manifeste lors du dénouement qui brise la réalité tangible du Pays Imaginaire (préférer le nom original, NeverLand, beaucoup plus pessimiste) sans la renier tout à fait (Wendy semble avoir fait un rêve et voit un nuage qui ressemble à un bateau).

Peter Pan représente une part de l’enfance insouciante pour qui tout est possible, même voler. Il est ici un fantasme, une représentation du héros que chacun aimerait être (la séquence des 2 frères jouant au début). Il gouverne en quelque sorte sur un monde symbolisant les rêves d’enfants, plein de pirates et de sirènes merveilleuses et est en quelque sorte un père de substitution pour les Enfants Perdus. Il est le référent virtuel de Wendy ; un enfant qui se sent responsables envers ses frères de cœur. A ce titre, il est d’ailleurs important de signaler que le Capitaine Crochet et Mr Darling sont doublés par la même personne et possède quelques caractéristiques communes (la moustache, les airs de dandys, une certaine maladresse). Et si, à travers Peter Pan protégeant les Enfants du Capitaine, c’était Wendy qui protégeait ses frères de son père ? Le raisonnement est loin d’être idiot et le choix artistique loin d’être innocent. Crochet qui veut se débarrasser de Peter Pan, c’est Mr Darling qui a perdu une part d’enfance et refuse de la retrouver à travers ses gosses. On notera au passage que chaque personnage semble envier Peter Pan, qui est un incurable chenapan, comme si lui avait réussis à rester enfant (ses traits de caractère pourtant peu enviables rappellent pour leur part qu’être enfant n’est pas non plus signe d’innocence parfaite).

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Le message universel est particulièrement pertinent pour un studio qui vend du rêve aux gens. Il est qui plus est exposé dans un dessin animé à la qualité d’animation exceptionnelle, et ce dès l’envol des enfants qui voit un arc en ciel relier Londres au Pays Imaginaire. De nombreuses créations de la pièce peuvent, par la simple transposition sur dessins, devenir des icônes féeriques, que ce soit les sirènes, le crocodile gourmand ou bien évidemment la Fée Clochette. Une fée qui bénéficie au passage d’un rôle accru, ne se résumant pas une traînée de poussière d’étoiles  mais bien à une vraie représentation en pantomime, calqué sur les pin-up de l’époque (ho la jolie mini-jupe !) s’exprimant par ses sentiments très forts  (colère et jalousie : pas mal pour une fée de chez Disney !) et un tintement de clochette délicieux. Le monde doux de l’enfance a d’ailleurs habillement été traduit par un adoucissement des formes tendant vers les courbes (les angles sont clairement bannis, comme cela peut être vu dans la destruction à répétition de l’empilement de cubes de Nana) et une palette graphique lumineuse.

Pour une fois, un dessin animé du studio ne s’encombre pas d’amis rigolos destinés à suivre le héros, ils font partie intégrante de l’histoire. Il y a bien sûr le crocodile, merveilleusement illustré par une musique aux relents de métronomes, mais aussi Mouche, qui fait un magnifique compagnon du Capitaine Crochet. Ils ressemblent grandement à un Laurel et Hardy de cartoon. Est-ce d’ailleurs un hasard si la touche traditionnelle d’humour des films Disney revient exclusivement ou presque aux méchants de l’histoire ? Les déboires du Capitaine Crochet volent en effet souvent la vedette aux enfants, et c’est sans doute pour cela que tous les publics ont pu être séduit. Bien entendu, comme tout vieux Disney, tout n’est pas parfait. On pourra s’offusquer à loisir de voir comment la psychologie du héros titre a été simplifiée, passant de jeune androgyne (son rôle dans la pièce était joué par un fille) en recherche d’affection maternelle au statut de dadais cherchant de bonnes copines. On pourra aussi hurler d’agacement face aux nouvelles chansons dégoulinantes qui ont été écrites et dont aucune ne marque vraiment les esprits (ce qui était loin d’être le cas dans Blanche-neige ou Cendrillon).

Mais le résultat est là : la version Disney de l’œuvre de James Matthew Barrie, moyennement fidèle, en conserve néanmoins la magie et s’est, avec le temps, imposé dans l’inconscient collectif comme une recréation, une version alternative du modèle. Un dessin animé qui atteint facilement sa cible : faire retomber en enfance pendant un peu plus d’une heure.

NOTE : 5/6

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