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Les Chroniques du Mérovingien
9 juillet 2005

CANNIBAL HOLOCAUST

cannibalholocaust00Cannibal Holocaust. Le titre de film capable de soulever le cœur à bons nombres de spectateurs l'ayant vu, par sa simple évocation. Un film gore interdit aux moins de 18 ans : ça suscite la curiosité. Un film qui fut accusé d'être un snuff movie : attention polémique. Un film dans lequel furent tués des animaux pour le simple besoin de choquer. Tout simplement une bombe à retardement dans la mouvance du cinéma fantastique prenant pour vedettes des cannibales (un genre typiquement italien).


De toute évidence, la réussite artistique de Cannibal Holocaust n'est pas à l'origine de son succès. Que le procédé osé consistant à placer deux récits en un avec différents points de vue sur les peuplades primitives ne sera qu'à peine remarqué. Tout ce que l'on retient du métrage, c'est son accumulation de sévisses repoussant les limites de l'horreur visuelle et morale. Viols multiples, démembrements en tout genre, repas anthropophages et dissection en directe d'animaux... Il faut avoir le cœur bien accroché pour tenir jusqu'au bout de ces 90 minutes d'ultra violence
quasiment non stop. Surtout que Ruggero Deodato ne joue pas uniquement sur le sang mais aussi sur le sexe. Les divers sévices à l'écran sont sans arrêt là pour choquer le spectateur en jouant sur un jusqu'au-boutisme opportuniste (les spectateurs sont conscients du genre auquel se rapporte le film car se rattachant à u courant cinématographique bien précis avec antécédents). Les corps nus des personnages seront sans arrêt soulignés afin d'être chargés d'une certaine puissance érotique (les journalistes jouant à voler la serviette des uns et des autres, le professeur Monroe jouant de sa virilité en se baignant- le comédien a d »ailleurs œuvré dans le porno- ou encore le jeune guide envoyé en éclaireur) qui sera mise à mal lorsque ces chairs seront déchiquetés. Le nu frontal (le réalisateur ne cherche même pas à cacher les sexes des acteurs) servira à annoncer que Cannibal Holocaust ne cachera rien et à renforcer le malaise lorsque les femmes seront soumises à des punitions sexuelles et qu'un des homme sera émasculé. En ce sens, Ruggero Deodato pose un vrai regard de cinéaste sur ses séquences gores en parvenant à les préparer et en renforçant la gène des spectateurs.

cannibalholocaust01

Il faut dire aussi que les effets gores sont absolument remarquables, à commencer par la femme empalée qui obligea d'ailleurs le réalisateur à prouver devant une commission qu'il s'agissait bien d'un trucage et que les acteurs du film étaient toujours vivants ! Le film est d'un réalisme global assez surprenant, avec son image sale et délavée, accentuant le malaise oppressant que souligne une bande son nauséeuse bien comme il faut. Tout ce déballage pour quoi au final ? Et bien pour une réflexion sur le genre cinématographique à part qu'est le « mondo », genre inventé par Gualtiero Jiacoppetti. Les Mondos sont des films pseudos documentaires qui portaient un regard sur le monde déconcertant en présentant des images rares (mais pour la plupart montées de toutes pièces, surtout dans Mondo Crane 2) et par conséquent souvent choquantes par leur nature de snuff. Un procédé voyeuriste qui est au cœur du débat que soulève consciemment Cannibal Holocaust, en se divisant en deux parties bien distincte. La première moitié du film est une pure fiction revendiquée telle quelle, présentant le professeur Monroe à la recherche des bandes des journalistes disparus. L'occasion de présenter les différentes peuplades primitives comme des êtres vivants en communautés selon leurs propres rites et croyances qui peuvent paraître dérangeantes et répugnantes (les repas anthropophages : heurk !) mais qu'il convient de comprendre et de respecter afin de se lier avec eux (voir le moment où le professeur goûte les tripes qu'on lui tend afin de ne pas offusquer la tribu). A n'en pas douter, il s'agit ici d'un regard du réalisateur, qui est par conséquent à mille lieux du racisme dont certains critiques péteuses ont taxait Deodato (bonjour, les Cahiers du Cinéma ! Je vous emmerde !)

cannibalholocaust03

Et puis il y a le deuxième acte, qui est un peu l'ancêtre du projet Blair Witch, avec un faux documentaire où l'on suit les derniers jours de journalistes dans la jungle. Leur point de vue est pour le moins limité et raciste sur ses peuplades qu'ils n'hésitent pas à brusquer gratuitement, et sera monté en parallèle avec les réactions du professeur Monroe et des directeurs de la chaîne souhaitant projeter le film. Ces journalistes sont des voyeurs et leur producteurs des inconscients avides d'audimat prêts à diffuser des scènes insoutenables dans le seul but de provoquer un scandale et donc d'attirer l'audience. Ce faux documentaire critique ouvertement le voyeurisme de certains médias tout en alimentant le propre genre cinématographique dans lequel il s'insert. Le choc que le spectateur ressent à la vue des images est similaire à celui qu'il devrait ressentir face à certaines images télévisuelles (entre autres). Et au-delà du choc des scènes violentes du film, on trouve finalement une morale curieusement gentille : le journalisme doit adopter un point de vue moralisateur sur ce qu'il filme plutôt que de retranscrire ce qu'il voit à l'état brute (cette morale étant signifiée dans le geste des producteurs qui finiront par refuser de diffuser la bande en assistant à la mort sauvage et en directe des journalistes, violé et lapidés sauvagement).
Cette morale se double d'un autre message, plus évident celui-ci mais aussi beaucoup plus maladroit dans
les choix scénaristiques de Ruggero Deodato, à savoir que la jungle et les primitives qui la peuple sont parfois plus civilisés que les individus de la jungle urbaine qui eux, tentent d'imposer leurs visions des choses par la force.

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Dommage que cette idée lourdement appuyée par des contrastes entre les forêts touffues et les hauts gratte-ciels se retrouve annihilée par la caractérisation des personnages voués à mourir. Les journalistes apparaissent en effet comme une bande de gros crétins vraiment trop caricaturaux dont les actes et les motivations apparaissent comme vraiment floues, leur profil étant réduit à néant par un montage elliptique n'ébauchant aucune progression psychologique cohérente. Ainsi, ils ne semblent nullement peinés qu'un de leur ami meure après avoir été obligé de lui couper la jambe, décident sans vraie logique de violer une indigène et, comble du portnawak, restent filmer les mises à morts sauvages de leurs camardes sans sourciller mes unes après les autres, jusqu'à ce que chacun est finit par périr. En somme, le but premier commercial du film, consistant à choquer avant tout (et nullement effrayer), la dénonciation de la bêtise humaine passe au second plan, croulant sous de raccourcis et une caricature à outrance empêchant au spectateur de s'investir un tant soit peu. A tel point qu'on se dit que ces journalistes idiots ont bien mérité leur sort tant leur comportement est aberrant de bêtise et illogique.
Mais les défauts du film ne s'arrêtent pas là car le message sur le voyeurisme des médias devient bien vite à la limite de l'hypocrisie lors des séquences de mises à morts d'animaux en live. Deodato se place finalement lui-même du côté de ce qu'il dénonce en oubliant une des composantes du Cinéma : il s'agit avant tout d'un Art d'Imitation. Si la mort du beauf dans Apocalypse Now ou du cheval dans Carne dérangent parce qu'elle sont réelles, ce sont avant tout des images issues de mort n'ayant rien à voir avec le tournage du film (la mise à mort du beauf fut filmé lors d'une célébration rituelle d'une tribu, tandis que celle du cheval est prise dans un abattoir). Dans le cas de Cannibal Holocaust, la mort du rats ou du porc a été clairement exécutée pour les seuls besoins du film, ce qui est profondément plus révoltant car gratuit. On n'est ainsi pas prêt d'oublier la mort de la tortue, dont les tripes et les membres seront arrachés pendant de longues secondes avec une évidente complaisance.


Cannibal Holocaust dérive donc trop souvent dans les débordements gratuits qui invalident pas mal son propos pourtant lucide et pertinent. Au-delà des quelques maladresses mineures de mise en scène (comme les 10 premières minutes laborieuses avec le commando dans la jungle), c'est bien la certaine forme d'hypocrisie opportuniste qui achève de faire du film un objet paradoxal sur lequel il est très facile de débattre des heures durant.


NOTE : 3/6

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Commentaires
É
i love this film because is realy & sexy
M
Article long et constructif.<br /> Je n'ai pas vu ce film mais j'en ai longuement entendu parlé, puis je me suis beaucoup renseignée, poussée par ma curiosité.<br /> Maintenant que j'ai lu ton article, j'ai une vision plus extérieure de la chose.. Qui me confirme que si je veux me sentir propre et saine je ne devrais pas regarder Cannibal Holocaust. C'est triste de voir que des gens qui se disent cinéastes finissent par faire un mélange entre du gore sans intérêt et de la télé-réalité mauvais goût.. Je me demande quand les gens comprendront qu'il n'y a aucun intérêt à ouvrir certaines portes au détriment de la santé des autres, des animaux, de la nature.
A
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A
plz invia quisto film
A
plz
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