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Les Chroniques du Mérovingien
9 juillet 2005

SCREAM 2

scream200Un premier cri qui rapporte quelques 100 millions de dollars aux USA ne pouvait qu'aboutir à la mise en chantier d'une suite opportuniste. Si Kevin Williamson avoue avoir livré son premier script avec des ébauches de 2 suites afin de faire de sa saga une trilogie, Scream 2 n'a vu le jour que dans un premier but : faire de l'argent. En témoigne sa mise en chantier éclair, laissant moins d'un an pour écrire tourner, monter et sortir le film ! Dans de pareil conditions de pression, le résultat avait tout pour être casse-gueule, confirmant l'adage selon lequel une suite ne vaut jamais l'original. Et pourtant...


Pourtant, c'est tout le contraire qui se produit. Le projet du film réalisé pratiquement dans l'urgence a finalement permis à celui-ci de peaufiner ses fausses pistes et suspects potentiels. En effet, le succès du premier Scream chamboula le tournage du second qui vit son dénouement balancé sur
Internet. Dans de pareilles conditions, Williamson fut amené à revoir sa copie pour modifier l'identité du (des) tueur(s). Par conséquent, au cours du film, chaque fois qu'un personnage apparaît, il devient systématiquement un suspect potentiel de manière à laisser le champ libre au nouveau dénouement. Par conséquent, il est désormais quasiment impossible de deviner l'identité de celui qui se cache sous le masque avant la révélation finale.
Autre bienfait de ce tournage sous pression, la nécessité de recomposer une équipe et vite. Par conséquent, tous les techniciens du premier opus ont été rappelés, du monteur au compositeur musical, assurant une cohésion artistique parfaite entre les films. Enfin, chaque personnage principal revient, y compris Cotton Weary qui ne faisait qu'une apparition éclair dans le premier Scream, tous campés par des comédiens connaissant déjà bien leur rôle. Une équipe rodée donc, renforçant le côté « familial » que le spectateur entretiens avec la saga. La famille Williamson est là, avec une guest de Joshua Jackson (acteur de Dawson's Creek, série crée par Williamson), une apparition de Sarah Michelle Gellar (déjà actrice dans Souviens-toi l'Eté Dernier, écris par Williamson) et un rôle tenu par Rebecca Gayheart (actrice dans
Wasteland, série crée par, allez, tous en cœur KEVIN WILLIAMSON !!!)
Pas de doute, Scream 2 marque bien un point convergeant d'une famille, comme en témoigne le couple David Arquette/Courteney Cox qui se sont mis en semble pendant le tournage après s'être rencontré sur le tournage du premier film ou le rôle du sheriff tenu par le propre père de David Arquette. Même Kevin Williamson nous gratifie d'une petite apparition au début, en étant l'animateur de talk show interviewant Cotton à la télé.

scream201

La bonne entente entre tous transparaît donc à chaque image, offrant ainsi un climat familier et sécurisant, chaleureux même, qui sera bien entendu mis à mal par le genre du film. En effet, le ton de Scream 2, sans renoncer à combiner premier et second degré, se fait beaucoup plus grave, l'humour étant bien plus discret, les citations bien moins évidentes et les références cinématographiques plus pointues, ceci expliquant sans doute que cet opus est celui qui fut le moins apprécié dans l'ensemble. Si le premier film était un hommage direct aux slashers et à Hitchcock, c'est cette fois-ci au giallio italien que l'on puise, et plus précisément au maître (déchu) Dario Argento. En témoigne le goût prononcé pour les jeux de masques (le cinéma, le théâtre), de miroir et l'ambiance pratiquement festive d'un carnaval vénitien. L'humour halloween de Scream laisse place à un malaise plus palpable qui explose dans certaines séquences d'une intelligence rare, cumulant le sadisme de la mort et l'impuissance du héros. Ainsi, la séquence du studio d'enregistrement reprend un dispositif similaire à L'Oiseau au Plumage de Cristal, avec des personnages séparés par une vitre insonorisée, l'un observant l'autre se faire massacrer sans pouvoir agir, son impuissance face au drame s'exprimant dans un cri muet. Une séquence comme celle du meurtre en plein jour trouve également ses racines dans le concept de l'anti-peur mise en place dans Ténèbres, un film au titre mensonger puisque la mort surgissait dans des décors fortement éclairés, sans ombre, là où les films d'horreur trouve généralement leur vecteur de trouille dans la nuit et les intérieurs sombre. Cette science de l'horreur ensoleillée peut également faire échos à celle employé dans la scène de champs de la Mort aux Trousses et rappelle aussi, par sa composition des plans (beaucoup de plans d'ensemble afin de faire cogiter le spectateur sur l'endroit d'où la mort va surgir). Difficile également de ne pas penser lors de la répétition théâtrale au Bloody Bird de Michelle Soavi où un tueur s'immisce dans une pièce de théâtre racontant sa propre histoire.

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Ces références infiniment plus subtiles permettent à Scream 2 de baigner dans un climat bien plus oppressant et d'accentuer son aura tragique. Car s'il y a bien une chose qu'aura réussie avec brio la trilogie de Wes Craven, c'est à insuffler de l'émotion dans un genre dévoué au plaisir coupable de voir des ados trucidés. Que ce soit Gale Weather comprenant enfin l'attachement qu'elle porte à Dewey ou bien la tristesse en apprenant la mort de Randy, on n'est pas là pour plaisanter. En témoigne les accents de tragédie grecque qu'embrasse cette suite en renforçant la dimension tragique de Sidney, assimilée à Cassandre, condamnée à voir ses proches mourir. Le décor du campus de Windsord tend vers une architecture baroque, les fraternités sont symbolisées par des lettres grecques et les bizutages renvoient à des orgies sacrificielles... Au milieu, Sidney subit la mise en image de sa vie en demeurant spectatrice de son passé. C'est en s'investissant dans le rôle principale d'une pièce qu'elle tentera d'aller de l'avant en devant actrice de sa vie jusqu'au devenir elle-même la réalisatrice de son avenir, dans un final apocalyptique où elle va détruire symboliquement le décor renfermant ses angoisses et sa malédiction.
Même la musique de Marco Beltrami prend des accents de tragédie, en déployant toute une gamme de musique d'opéra, utilisant à de nombreuses reprises des cœurs féminins, comme au cours de la mort pré-générique. A noter que l'on retrouve un extrait du thème de Cassandre composé par Danny Elfman (la classe !).

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L'autre grande force de Scream 2 vient néanmoins de son approfondissement thématique. Si le premier opus démontait les clichés des films d'horreur, cette suite prend le parti de se moquer... des suites justement. Ainsi, si la principale référence de Scream 1 était Halloween, le référent majeur de Scream 2 n'est autre que Scream et son pastiche Stab. Le but de la manœuvre ? Réaliser une suite/remake en tenant compte des enseignements que le spectateur a tiré du premier film pour mieux le prendre à revers. Dans une des scènes du début, des étudiants se moquent des suites en affirmant qu'elles sont toujours foireuses. Comme pour annoncer que Scream 2 ne commettra pas cette erreur.
Ainsi, Scream 2 est un film qui a conscience de lui-même et du succès du premier opus. Ainsi, la plupart des gimmicks ont été conservé, que se soit le coup de poing de Sidney, le « ils reviennent toujours » final où encore la chanson Red Right Hand. De même, il y a un savoureux clin d'œil à Tori Spelling qui joue le rôle de Sidney exactement comme celle-ci l'avait prédit dans le premier film. Mais l'essentiel vient dans le scénario qui parvient à anticiper les moindres des réactions du spectateur. Le tueur se cache-t-il encore derrière la porte ? Ou bien est-il déjà à l'étage, prêt à sévir ? Quand on pense avoir arrêté notre petite idée sur l'assassin, un regard de Sidney vient semer le trouble. Lors d'une magnifique scène en plan-séquence, Sidney va chercher son manteau pendant que le téléphone sonne. Son petit ami est toujours visible à
l'arrière plan mais une fois qu'elle se dirige vers le téléphone, le boy-friend disparaît du champ de vision, le remettant immédiatement dans la liste des suspects potentiels, jusqu'à que le tueur surgisse dans le même plan sans prévenir. Ce jeu de remise en doute perpétuelle accentue le suspens tout en se jouant des certitudes du spectateur qui pensait déjà tout savoir après le premier film.

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Autant dire que Wes Craven s'est rarement autant investit dans un film en emballant de nombreuses séquences choc et parvenant, en faisant virevolter la steadycam, à capter toute la tension qui règne sur le campus (le terrain de jeu est plus resserré, comme le dévoilera le plan final sur lequel défile le générique). En jouant sur la profondeur de champ, les arrières plan (la scène du studio) les silences accompagnés de gros plans insistant (la scène du taxi), il prouve son étonnante maîtrise des effets et fait preuve d'une imagination qu'on ne lui soupçonnait pas, emballant au passage la majorité des meilleures scènes de la trilogie dans ce seul chapitre. Dès la séquence d'ouverture, il pose le principe du film dans le film et nous invite à réfléchir sur les origines de la violence chez les gens. Ainsi, lors d'une avant-première du film Stab, résultat de ce qu'aurait donnait Scream sans le talent de Craven (et avec Heather Grahams en guest), deux jeunes gens seront massacrés dans la salle en délire où tout le monde a revêtu le fameux costume. La victime féminine ne pourra s'empêcher de se moquer de la victime à l'écran en balançant que si ça avait été elle, elle serait partie depuis longtemps... sans se douter qu'elle est déjà à côté du tueur. Une manière de déchirer le voile entre la réalité et la fiction, en faisant surgir la fiction dans le réel. Ainsi, la victime ne sera pas réelle tant qu'elle ne se sera pas placée entre le public et l'écran. De même, Dewey et Gale vont passer eux aussi du côté du drame par le biais d'une caméra qui les filmera de dos et Sidney va passer à l'avant de la voiture de taxi en passant à travers le grillage. Chaque fois, c'est la même notion de personnages de fiction qui sont confrontés de plein fouet à la réalité de la mort. Une manière de rappeler que Scream est avant tout du cinéma et de décharger sa responsabilité sur les comportements violents. C'est en effet la conclusion à laquelle aboutit le film, portant avant tout la responsabilités sur les parents et l'éducation qu'ils ont inculqué à leurs enfants. La mise en abîme rappelle également les nombreux crimes qui ont eu lieu, avec des jeunes déchargeant la responsabilités de leurs actes à Scream, signe qu'il n'ont visiblement rien compris au film, mais en ravivant à chaque fois le débat de la violence au cinéma (qui est justement un des mobiles ici).


En poussant toujours plus loin les jeux de miroirs, Scream 2 rappelle qu'il faut savoir se méfier des faux-semblants du monde (notamment les médias qui s'en prennent encore plein la gueule) et être capables de décrypter les images dont nous sommes abreuvés quotidiennement. Le tout doublé d'une réflexion sur les suites et de partis pris de mise en scène osé qui prouvent une bonne fois pour toute que suite n'est pas nécessairement synonyme de redite et peu même surpasser le modèle.


NOTE : 6/6

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