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Les Chroniques du Mérovingien
9 juillet 2005

SCREAM

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Aujourd'hui, projetons-nous dans le temps et ressassons nos souvenirs : nous sommes en 1997 et un petit film d'horreur sort dans l'anonymat total. Normal : le slasher est mort depuis bel lurette, condamné à hanter les rayons des vidéos-clubs. Quelques semaines plus tard, le film que personne n'attendait vient de franchir la barre des 100 millions de dollars de recette, seuil jamais atteint auparavant pour un film d'horreur. La révolution Scream est en marche.


Scream, nouveau nom du projet, autrefois titré Scary Movie, c'est un peu un hommage vibrant à un genre cinématographique désuet, ringard et tellement répétitif qu'une fois qu'on en a vu un, on les a tous vu. Le slasher né véritablement avec l'Halloween de John Carpenter. A ce jour, le maître étalon incontesté du genre. Tout y est : le tueur qui a les reins bloqué et qui ne meurt jamais, les ados crétins qui fument, baisent et se font buter l'un après l'autre... Ce chef d'œuvre absolu a ensuite vu la naissance de copies franchement idiotes mais parfois funs (le plagiat le plus évident étant le crétin Vendredi 13), suivis de très prêt par des copies des copies toutes plus nazes les unes que les autres. A force d'user la formule jusqu'à la corde, de reprendre des scènes entières de films en films en y ajoutant à peine un peu de gore par-ci par là et au bout de 50 000 suites, les spycho-killers n'ont plus inspiré aucune crainte. Le slasher était mort. C'était sans compter sur un inconnu, Kevin Williamson, qui, un soir où il logeait seul chez un ami, joua au téléphone à se poser des questions sur les films d'horreur. L'idée de Scream a germé d'un coup et le script fut écris en un week end. De nombreux réalisateurs s'arrachèrent le manuscrit et c'est finalement ce vieux briscard de Wes Craven qui remporta la mise, largement rodé au genre de l'épouvante après les traumatisants Dernière Maison sur la Gauche et la Colline a des Yeux tout comme les daubesques Vampires de Brooklyn.

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Mais quelle est la raison de cet engouement ? Et bien tout d'abord, il faut bien reconnaître que le script de Scream comporte de très nombreuses innonvations lui permettant de supplanter la quasi-totalité des slashers. A commencer par une conscience du genre auquel il se réfère permettant de jeter dessus un regard critique et par la même occasion de jouer habilement avec le spectateur sur ses connaissances. Ca n'a l'air de rien comme ça mais c'est cette intrusion du cynisme qui fait tout le sel de la saga, contaminant le moindre de ses composantes. Ainsi, les personnages, bien que demeurant des ados un peu idiots, sont des reflets du spectateurs ayant grandis avec les films d'horreur et en connaissant le moindre de leur rouages. Cela permet ainsi d'exposer les grandes règles du film d'horreur et de les mettre à mal en insérant le spectateur au cœur même de la mécanique du suspens. Et cela dès la séquence d'introduction, terrifiante, où Drew Barrymore subit un quiz macabre, est un modèle du genre, faisant exploser toutes les certitudes en nous ramenant à nos souvenirs des grandes figures de l'horreur. Exemplaire. Tout repose sur cette simple question : le film va-t-il respecter les clichés de l'horreur ou les détourner ? A une Sidney s'agaçant que les slashers montrent toujours une fille au gros nénés s'enfermer dans sa chambre, les circonstances l'obligeront à en faire de même. La vierge va-t-elle forcément survire ou bien va-t-elle s'exposant à la Mort en cédant au plaisir ?

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Ce jeu de ping pong entre le film et le public aboutit finalement à une vraie mise en abîme du genre qui culmine dans une séquence d'une impertinente originalité où les différents spectateurs tente d'avertir leur référent télévisuel que le tueur des derrière eux. Ca commence par Randy face à Jamie Lee Curtis dans Halloween, puis Kenny et Sidney voulant avertir Randy que le tueur est derrière lui en regardant l'écran d'une vidéo surveillance. A ce stade là du vertige, Craven enfonce le clou car à ce moment précis, nous sommes déjà en train de vouloir avertir les deux individus que le tueur est déjà là derrière eux. Vertigineux. Et finalement très drôle. Très drôle comme cette séquence du vidéo-club où Randy donne son point de vue sur les meurtres en rappelant au spectateur sa place de témoin de l'histoire, tandis qu'à l'arrière plan, une figurante écoute attentivement avant de décrocher au moment même où Randy explique que le spectateur décroche toujours quand cela devient trop compliqué. La réflexion sur les films d'horreur se double donc d'un second degré bien géré (qui sera malheureusement utilisé abusivement dans presque tout le ciné d'horreur qui suivra la vague Scream) qui permet de transformer le récit en un véritable grand 8 en se souciant en permanence du public. On prendra pour exemple cette scène hilarante où Dewey discute avec le shérif, l'un fumant une cigarette en fronçant les sourcils (genre « y a trop du suspens ») et l'autre mangeant une glace à la fraise avec les mêmes mimiques.

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Finalement, Scream est une véritable déclaration d'amour aux films d'épouvante, en témoigne les milliers de références saupoudrant chaque séquence. La passion du Cinéma qu'à Kevin Williamson saute aux yeux (il abondera dans ce sens en créant la série Dawson's Crrek). On y cite l'Exorciste et sa version censurée, Psychose, Carrie, le Bal de l'horreur et Evil Dead à tour de bras et on encense Halloween à chaque instant, en particulier dans la dernière partie du film où le film de Wes Craven est monté en parallèle avec le bijoux de Carpenter où encore dans les diverses allusions à peine voilé : le petit ami de Sidney s'appelle Loomis, comme le psy de Michael Meyers, le père de Casey ordonne à sa femme d'aller chercher de l'aide chez les Mc Kenzy, soit exactement la même recommandations que faisant Laurie Strode aux enfants qu'elle gardait.
Wes Craven se permet même quelques allusions à sa propre filmographie (allusions contenues dans le scénario d'origine) en se moquant des suites des Freddy et en se déguisant lui-même en homme de ménage du lycée baptisé Fred et portant le célèbre pull rayé. Il ne manque d'ailleurs pas non plus d'emballer quelques meurtres bien saignant, à commencer bien sûr par l'ouverture du film (à noter que la version Laser Disque contient la version non censurée du film avec entre autre l'éviscération du boy-friend de Casey). On pourra néanmoins reprocher une chose à Scream : avec le recul, à force d'aligner les références, le film semble avoir accumulé déjà beaucoup de poussière, comme s'il était une pierre tombale du slasher (on a accusé Craven d'avoir tué le genre, ce qui est complètement con, voir Blair Witch, Sixième Sens ou Haute Tension pour s'en convaincre). Le film a, admettons-le, déjà vieilli en 10 ans, cela pouvant être attribué au côté « phénomène de mode du film » qui a pour casting un grand nombres de stars de la télé (Neve Capbell de « La Vie à 5 », Courteney Cox de « Friends »).

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Mais le plus surprenant dans ce premier opus de la trilogie, c'est sans conteste l'épaisseur qui est attribuée aux protagonistes. Si le film est vendu comme un slasher, il n'est pas moins marqué par un parfum d'Agatha Christie où la question est de savoir avant tout qui est le tueur. Ainsi, chaque personnage est un potentiel suspect, ce qui amène le script à les dessiner tous parfaitement : entre les amis loufoque, Tatum la confidente ou le petit ami bizarre et suspect numéro 1. C'est évidemment Sidney qui bénéficie d'un traitement de faveur en devenant une véritable héroïne de slasher à cents coudées des scream queen habituelle. Névrosée, perturbée par la mort de sa mère, en proie à ses doutes face à l'homme qu'elle a accusé du meurtre et en colère face à celle qui a tiré profit de l'affaire, la journaliste Gale Weather, Sidney est une spectatrice de sa vie et notre principal référent en tant que spectateur (ses doutes deviennent les notre), facilitant notre attache et faisant naître pour la première fois dans un slasher une véritable émotion.
Enfin, le film frappe là où on ne l'attendait pas en se servant de sa critique du genre pour poser les bases d'une réflexion sur la violence au cinéma et son influence dans nos sociétés (débat qui sera traité en profondeur dans l'infiniment meilleur Scream 2). Wes Craven évacue toute responsabilité du cinéma (il s'agit tout de même du genre dans lequel il a officié 40 ans !) en montrant du doigt l'absence d'écoute parentale, que ce soit la mère absente de Billy où bien le père de Sidney qui n'a presque rien à dire à sa fille. Pire, les diverses institutions sont clairement montrés du doigt, que ce soit la police incapable (le flic benêt mais aussi le shérif, joué par Joseph Whipp qui tenait déjà ce rôle dans les Griffes de la Nuit) où bien l'école, symbolisée par un proviseur à tendance psychotique (voir la façon dont il menace les élève avec des ciseaux avant de lui-même s'amuser avec le masque du tueur). Quand aux médias, ils sont tous des assoiffés de scoop et de faits divers glauque pouvant faire grimper l'audience, tel Gale Weather courant
après son Pirx Pulitzer mais aussi l'apparition en guest de la gamine de l'Exorciste, Linda Blair, demandant à Sidney quel effet cela fait d'être agressé.
Dans ce contexte, pas étonnant que les jeunes soient en mal de repères, poussant leur cynisme très loin et se déconnectant trop du monde (Craven n'est pas spécialement tendre à leur égard).


Scream est donc un film à l'image du masque culte de son tueur : un miroir déformant du cri de jeunes nourris de films d'épouvante exorcisant leur mal de vivre. Avec ce film clef, c'est à la fois un auteur qui est ressuscité (du moins temporairement) et tout un pan de cinéma tombé dans l'oubli. Un hommage vibrant à un certain cinéma moyen tiré vers le haut par le respect des grand maître, à commencer par un Hitchcock abondamment cité (le meurtre du proviseur en reflet dans l'œil, la localisation du tueur, la mort pré-générique fonctionnant sur le même principe que Psychose en tuant la star prétendue du film...). A tout simplement la naissance d'une trilogie indispensable du genre.


NOTE : 5/6

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